Office foncier solidaire : l'avenir du logement abordable en France ?

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Sortir le foncier de la logique de marché et s’affranchir du risque spéculatif. Telle est la vocation de l’Office foncier solidaire (OFS). Ce dispositif récent et inspiré des Community land trusts (CLT) américains a été introduit dans la loi Alur. Vincent Le Rouzic, président de CLT France, et Anne-Katrin Le Dœuff, directrice générale déléguée d’Espacité, "personnellement convaincue" par l’efficacité des Offices fonciers solidaires,  sont venus expliquer aux journalistes de l’Ajibat (Association des journalistes de l’habitat et de la ville), le 25 avril, l’utilité de ce modèle en termes d’accès au logement et les éléments de sa transposition en France. Selon eux, cette formule a du sens dans notre pays car les politiques publiques en faveur du logement accessible prennent de plus en plus de poids

D’après les deux intervenants, l’Office foncier solidaire présente de nombreux avantages."Anti-spéculatif, solidaire et protecteur", il offre une certaine "flexibilité" et une réponse "adaptée au contexte local" : en zones tendues ou détendues, en centre-ville ou en périphérie, en neuf ou dans l’ancien, pour l’accession ou la location, etc. L’OFS donne la possibilité à des ménages très modestes, habitants des zones Anru, d’accéder à la propriété. Il peut également jouer un rôle dans la vente d’HLM ou dans le redressement des copropriétés dégradées. 

"Il permet de trouver la bonne équation économique", résume Anne-Katrin Le Dœuff. Et ce grâce à des dispositifs fiscaux avantageux, permis par la loi de finances notamment (TVA réduite), et un amortissement des travaux et coûts d’acquisition lissé sur le très long terme.

Des USA au contexte français  

"L’idée est née aux Etats-Unis, d’une réflexion sur les problématiques de gestion foncière dans les années 1960", explique Vincent Le Rouzic. A l’origine, il s’agissait de faciliter l’accession de terres agricoles à des populations qui, sur le marché, ne pouvaient en faire l’acquisition ; la communauté noire-américaine, victime de ségrégation, était particulièrement concernée. Le recours aux CLT s’est, dans les années 70 et 80, élargi au secteur de l’habitat. Objectif : rendre l’accession à la propriété durablement abordable, "en dissociant la propriété foncière et la propriété immobilière", précise notre interlocuteur. En France, acteurs du logement et politiques se sont intéressés à ce dispositif sur le tard, après la remise, en 2008, du prix mondial de l’habitat par les Nations unies à Champlain Housing Trust, CLT développé dans le Vermont, à Burlington.

La législation française a permis l’introduction des Offices fonciers solidaires, via la loi Alur. Les OFS reprennent ainsi les trois composantes des CLT américains : juridique d’abord, avec la dissociation du bâti et du foncier. L’OFS, organisme à but non lucratif, gère ce foncier, qu’il a vocation à conserver en patrimoine. Les ménages, éligibles sous plafond de ressources et de loyers (PSLA pour l’accession et PLUS pour la location), achètent le bâti et deviennent locataires du sol en s’acquittant d’une redevance auprès de l’OFS. En France, la redevance prend la forme d’un Bail réel solidaire (BRS), valable de 18 à 99 ans. La dimension économique ensuite : la propriété reste abordable pendant plusieurs générations, le BRS se renouvelle à chaque cession des droits réels attachés au bâti, permettant de pérenniser la décote. En contrepartie de l’effort de l’OFS, la valeur de revente du bien est plafonnée. Et Vincent Le Rouzic d’ajouter : "en cas de vente, il peut y avoir une plus-value, même si celle-ci est limitée". Enfin, la gouvernance, qui se veut "partenariale" : l’OFS, toujours à but non lucratif, se partage entre une collectivité locale, la société civile (entreprise, association, mécène…) et des habitants. 

En France, le premier OFS a été créé à Lille, pour la programmation d’une opération dans l’ancien et en cœur de ville : le prix des logements au mètre carré devrait quasiment être divisé par deux. A suivre… La métropole de Rennes développe aussi un projet de son côté. En Ile-de-France, les Coop HLM s’y intéressent très sérieusement. Et la ville de Paris a lancé une étude de faisabilité pour la création d’un OFS (cf. DIF 1294–1295). 

Par ailleurs, le concept de l’OFS peut s’appliquer à d’autres secteurs que l’habitat. Vincent Le Rouzic entrevoit "deux élargissements possibles" : pour le foncier agricole et les locaux d’activités (à destination des entreprises de l’économie sociale et solidaire et des commerces de proximité). Cette semaine (au moment de notre bouclage), deux décrets ont été examinés, un relatif au BRS, l’autre à l’OFS, afin d’agréer notamment les organismes existants, comme les OPH, pour constituer un Office. Les opérations vont pouvoir sortir, se félicitent Vincent Le Rouzic et Anne-Katrin Le Dœuff.

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