Au FPU Grand Ouest : la ville aimable et collaborative

Projets urbains
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Le premier Forum des projets urbains du Grand Ouest, organisé par Innovapresse à Nantes, le 29 mars, a présenté une vingtaine de projets aux formats et contenus divers, mais tous (ou presque) marqués par la volonté de construire une ville "aimable", concertée et adaptable. Tour d’horizon non exhaustif.

Nantes Métropole : autour de la Loire, un projet urbain… et paysager
Dix-sept ans après l’engagement du projet "éléphantesque" de l’île de Nantes, la métropole élargit encore le champ d’action en lançant le long de la Loire, sur plus de 200 hectares, quatre opérations (aménagement de la pointe sud-ouest de l’île, du quartier industriel du Bas-Chantenay, de la future Zac Pirmil-les Isles,  à Rezé, et des rives du fleuve, à Couëron) avec pour objectif commun de doter l’agglomération d’une nouvelle centralité à son échelle. Au-delà du rapport au fleuve, le fil rouge de ces requalifications sera le traitement paysager, la "créatrice de jardins", Jacqueline Osty, ayant été mandatée pour à la fois conduire la maîtrise d’œuvre urbaine de l’île de Nantes jusqu’en 2025 et redessiner les espaces publics du secteur de l’hypercentre Feydeau-Commerce. Un esprit nature qui se retrouvera également sur le parvis de la future gare dessinée par Rudy Ricciotti, dont la conception signée Phytolab s’annonce comme un véritable prolongement du Jardin des Plantes voisin.

Saint-Nazaire, Guérande : des écoquartiers "acceptables" et "aimables"
Contextes très différents mais objectifs similaires : les écoquartiers de la Maison Neuve, à Guérande, et Courtil Brécard, à Saint-Nazaire, partagent des enjeux d’acceptabilité et une composante participative importante. Dans une commune rurale (8 000 ha, dont la moitié inclus dans le parc naturel régional de Brière), l’écoquartier de la Maison Neuve a fait l’objet d’une concertation soutenue avec les habitants, les riverains mais aussi les professionnels (une cinquantaine d’entre eux ont signé une charte d’engagements portant sur la mixité, la densité, la biodiversité, l’éco-responsabilité ou encore le développement économique local). L’un des premiers enjeux, dans ce marché à dominante individuelle, est l’acceptabilité du logement collectif : le projet de 650 logements se présente "plutôt comme un ensemble de quartiers qui vont se relier", selon Mathieu Roeper, responsable de secteur chez Loire Atlantique Développement. Au-delà, la maire (DVD), Stéphanie Phan Thanh, souhaite construire une ville "aimable".

Non loin de là, Saint-Nazaire reste "une ville qui perd des habitants et qui a des difficultés à être attirante pour les jeunes ménages", reconnaît Lauriane Deniaud, première adjointe (PS) au maire. "Les Nazairiens disent souvent que la ville est un peu grise, or la nature est là, mais cachée derrière les façades et le tissu urbain constitué". Le projet d’écoquartier Courtil Brécard présente "un fort enjeu d’acceptabilité", d’où l’importance de la participation citoyenne. Ce programme de 260 logements (dont 40 % de locatifs sociaux) comportera 60 % de petits collectifs, 10 % de logements intermédiaires, 15 % de maisons groupées et 15 % de lots libres qui ont fait l’objet d’une expérimentation que la ville souhaite reproductible. Loïk Buttet, chef de projet à la Sonadev, décrit ce processus d’accompagnement des acquéreurs et de leur maître d’œuvre pour "l’optimisation du projet et de la qualité d’habitat", en mettant davantage l’accent sur les usages que sur l’esthétique, et sans chercher l’homogénéité architecturale. "On les a fait se projeter dans leur logement, par des réunions hebdomadaires". Lauriane Deniaud espère que la participation citoyenne servira aussi à diffuser une culture urbaine sur le long terme.

Pôles gare de Saint-Nazaire, La Baule, Savenay : en capacité d’adaptation
Véritables entrées de ville ou d’agglomération, les quartiers de gare de La Baule, Savenay et Saint-Nazaire ont su se réactualiser et s’adapter au contexte économique. Christian Brun, adjoint (SE) au maire de Savenay, voit dans le projet gare (500 logements, des commerces, un pôle culturel…) l’occasion d’ "affirmer une nouvelle façon de vivre entre Nantes et Saint-Nazaire", grâce notamment à un important volet paysager (le quartier donne sur les marais).
Le projet, issu du concours Europan 11, a fait l’objet avec le lauréat, l’Atelier Georges, d’un accord-cadre de conception urbaine de six ans. Son plan-cadre urbain est articulé entre "île active" et "île habitée", en référence aux îles de la Loire. Guillaume Coutand, directeur de l’aménagement du territoire de la CC Estuaire et Sillon, précise qu’après appel à l’expertise économique de Loire Atlantique Développement, le bilan prévisionnel d’opération est globalement à l’équilibre, moyennant l’apport du foncier par les collectivités. 

Repositionnement également à La Baule. Des 40 000 m2 de Shon prévus en 2007, dont 10 000 m2 de tertiaire, à peine la moitié étaient réalisés six ans après, indique Alain Doré, directeur général des services techniques. La Ville a décidé de réduire l’opération à 22 000 m2, et a fait appel à l’Atelier Ruelle, qui a proposé un traitement paysager pour rendre le quartier appropriable par le piéton.
A Saint-Nazaire, le maire (PS), David Samzun, a souhaité "faire de la couture urbaine et ramener un peu de douceur, tout en créant un signal d’entrée de ville" (espaces et équipements publics, pôle activités-bureaux, pôle habitat). Le schéma de cohérence d’entrée Nord, outil unique de programmation des projets nouveaux et d’actualisation des projets de renouvellement, est aussi un outil de pilotage des aménageurs, collectivités, opérateurs immobiliers et SNCF, afin, explique Michèle Burnet, directrice de l’aménagement opérationnel de la Carene (CA de la région nazairienne et de l’estuaire), de "les mettre d’accord sur l’analyse préalable et sur la gouvernance de projets qui pourraient paraître antagonistes". Cela dans une ambition de "révélation paysagère".

La Rochelle : de projet de quartier à projet de territoire
A l’origine, il s’agissait de requalifier une place. Mais la collectivité y a vu l’opportunité d’inverser la déprise démographique de Villeneuve-les-Salines, quartier à l’image dégradée malgré de vrais atouts, notamment sa proximité du canal et du marais. On a donc changé d’échelle pour passer d’un projet de quartier à un projet de territoire. Aux deux programmes de renouvellement urbain en cours dans les quartiers de Mireuil et de Saint-Éloi est ainsi venu s’en ajouter un troisième dans le cadre du volet régional du NPNRU. Parce que les fonctions périphériques de l’agglomération fragilisaient les continuités urbaines entre Villeneuve et le centre-ville, il a été décidé de déplacer le parc des expositions, qui fera place à une programmation de 700 à 900 nouveaux logements, en lien avec le quartier de la gare en cours de rénovation.

Alençon sur son 31 pour une maîtrise d’ouvrage forte
Pas facile d’imposer sa marque dans le fief d’un élu du calibre d’Alain Lambert (UDI). Élu maire d’Alençon en 2008, Joaquim Pueyo (PS) est pourtant parvenu à convaincre, au point d’être réélu en 2014. Le premier mandat a été celui de l’installation de la vision, le second se veut celui de la réalisation, dont le parc urbain de la Providence, livré en janvier 2016, a été la première pierre. Depuis a été lancé "31, le grand projet", sorte de programme-cadre qui met en cohérence 31 opérations concernant aussi bien le centre-ville que les quartiers périphériques, les équipements que les espaces publics (60 % seront traités dans les deux ans), l’habitat que le développement économique. 80 M€ vont ainsi être investis d’ici à 2020 dans la plus petite communauté urbaine de France (60 000 habitants), qui, phénomène nouveau à Alençon depuis un demi-siècle, revendique une maîtrise d’ouvrage forte.

Lorient : l’odyssée de la mobilité
La mise en service de la LGV Bretagne, conjuguée à celle d’un réseau de transport en commun en site propre, a conduit Lorient (agglomération de 205 000 habitants) à se doter d’une nouvelle gare, orientée vers le sud et le centre-ville, qui sera inaugurée le 17 mai prochain. Autour de ce pôle d’échanges multimodal viendront bientôt cohabiter, sur 15 ha, logements, commerces et services (100 000 m2). Le plan guide de la ZAC Odyssée a été conçu par Nicolas Michelin, l’idée étant de faire de la mobilité la clé de voûte du nouveau cœur d’agglomération. Une opération à tiroirs très ambitieuse dont le foncier est porté par l’EPF de Bretagne.

Saint-Nazaire, Pont-Château : des centres-villes à vivre
Le plan stratégique pour la redynamisation du centre-ville de Saint-Nazaire, voté à l’unanimité, vise la requalification des entrées de ville, la construction de logements (350), l’accompagnement du commerce, le traitement de l’espace public, ainsi que l’implantation d’un "campus numérique" de 5 000 m2. Lauriane Deniaud, première adjointe au maire, y voit aussi le moyen de "conforter des lieux de vivre ensemble qui ne soient pas uniquement des lieux de consommation, même si celle-ci est structurante dans la redynamisation du centre-ville".

Brest : le Plateau des Capucins redessine la ville
Pour accéder au site, en promontoire sur l’estuaire de la Penfeld, on emprunte un téléphérique, élément du programme à la fois "fonctionnel et poétique", selon les mots de Claire Guihéneuf, directrice générale de Brest Métropole Aménagement. Durant l’ascension, c’est en effet toute la ville de la reconstruction post Seconde Guerre mondiale qui se révèle sous nos yeux, en même temps que les perspectives d’évolution du centre. Fruit de l’imaginaire de Bruno Fortier, cette spectaculaire reconquête d’une ancienne friche militaire de 16 ha, dont la transformation des Ateliers en médiathèque constitue le point d’orgue, a non seulement créé une nouvelle destination mais également redessiné la cité dans son ensemble, dont le lien avec la mer redevient évidence.

Rennes : des maisons d’architecte en secteur ANRU
Rennes se plaît à entretenir son esprit pionnier. Après avoir donné naissance au plus petit réseau de métro au monde, lequel est actuellement en cours d’extension, la capitale de la Bretagne s’apprête à expérimenter le loyer unique pour ses logements sociaux. Rennes est également la première ville à avoir signé, il y a quelques semaines, un nouveau programme de renouvellement urbain. Plus de 550 M€ seront investis dans les dix prochaines années sur les secteurs Maurepas et le Blosne, l’arrivée du métro y créant une opportunité urbaine. Originalité : le quartier breton le plus pauvre (Maurepas) peut désormais s’enorgueillir d’un premier lot de douze maisons d’architecte, le lotissement permettant par un effet d’optimisation de sortir des produits au prix de la périphérie.

Bilbao, au-delà de Guggenheim
Ville riche mais confrontée à de grandes difficultés (désindustrialisation et terrorisme), Bilbao a beaucoup misé, il y a vingt ans, sur le musée Guggenheim comme levier de transformation. Pour autant, "la ville continue-t-elle à innover ?", interroge Ariella Masboungi, Grand Prix de l’urbanisme 2016, conceptrice et animatrice de cet atelier. La réponse est positive, à en croire Pablo Otaola, directeur de la société mixte d’aménagement Comisión Gestora de Zorrotzaurre, qui pilote le grand projet éponyme : 5 500 logements sur un ensemble de friches industrielles et portuaire, sur une presqu’île de la Ria, en cœur de ville. Le Guggenheim a été la "cerise sur le gâteau" d’une stratégie de 6 Md€ d’investissements publics incluant un vaste plan d’assainissement, le métro, la voirie… Aujourd’hui Zorrotzaure, inspiré d’un masterplan initial de Zaha Hadid, s’apprête à devenir une "nouvelle centralité urbaine" reposant sur une offre de logements, de bureaux,  des équipements et un tramway, jouant de sa relation avec l’eau (la presqu’île sera transformée en île et 7,5 km de promenade seront aménagés). Au final, pour Pablo Otaola, "si l’on veut faire une ville, il faut changer beaucoup plus de choses qu’un musée. Il faut un consensus public et un leadership politique".

Villes et ports : stratégies croisées
Ports et villes ont des intérêts communs mais des efforts à faire pour travailler ensemble : c’est ce qu’il ressort de la séance plénière de clôture du FPU Grand Ouest, consacrée aux stratégies des villes portuaires. Côté ports, Franck Mousset, directeur Territoire, accès, environnement au Grand Port Maritime Nantes Saint-Nazaire – et précédemment DG adjoint en charge du développement urbain de Nantes Métropole -, sourit : "autrefois, je considérais le port comme du foncier disponible sur lequel faire une négociation maline". Aujourd’hui, il affirme que "le port doit avoir une politique foncière, comme un aménageur, et parfois résister à l’appel des collectivités". Côté villes, Claire Guihéneuf, directrice générale de Brest Métropole Aménagement, défend le souhait de réappropriation des espaces portuaires par l’urbain en rappelant qu’il ne s’agit pas seulement de réaliser de belles opérations immobilières, mais aussi de réfléchir à l’identité de la ville, et donc forcément à son rapport à la mer (ou au fleuve). Paul Touret, directeur de l’Isemar (Institut supérieur de l’économie maritime), avertit toutefois sur la tentation de "mettre toute l’énergie sur le front portuaire", au détriment du reste de la ville ; ville qui peut disposer de beaucoup d’espaces mais pas de beaucoup de moyens.

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Traits Urbains n°130/131 vient de paraître !

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